Un dialogue rare entre tableaux et terroirs : présentation par la conservatrice, dégustation guidée par un spécialiste. Ma mémoire de la peinture naïve haïtienne s’y est confrontée aux traditions italienne, française, portugaise… et à l’existence de naïfs allemands.
Olivier Métellus – 2 décembre 2025 – 3 min de lecture

Chronique
Samedi 8 novembre 2025, le MIDAN – Musée International D’Art Naïf d’Île-de-France, à Vicq (78, cœur d’Yvelines) – proposait un soirée « 4 vins, 4 œuvres ». Dans chaque salle, un tableau était mis à l’honneur. La conservatrice du musée, Lou-Anne Blanchard, en présentait l’histoire, la main et le regard. Dans la foulée, Luc Dabadie, expert en vins et spiritueux, présentait un cru du pays de l’artiste et en guidait la découverte. Le format intimiste (une vingtaine de participants) et qualitatif, permit des temps d’échanges généreux : un va-et-vient sensible entre l’œuvre et le terroir, où le commentaire éclairait autant l’œil que le palais.
Une nocturne originale, simple et exigeante : chaque tableau présenté dialoguait avec un vin de son pays d’origine.
Ayant grandi au cœur de la peinture naïve haïtienne – jusqu’à visiter l’atelier de Préfète Duffaut à Cyvadier, près de Jacmel – j’y ai retrouvé cette ferveur des paysages et des villes rêvées qui font la signature de nos maîtres, de Duffaut à Bigaud. Cette filiation, entre vision spirituelle et liberté du trait, fut magnifiquement mise en perspective par la rencontre avec d’autres traditions naïves : italienne, portugaise, allemande, brésilienne et argentine… J’ai même été sincèrement ou « naïvement » surpris de découvrir l’existence de peintres naïfs allemands : preuve que ce langage traverse bien plus de frontières qu’on ne l’imagine. Le parcours rappelle que l’art naïf est un langage mondial, dont le MIDAN conserve un ensemble de plus de 1 400 œuvres issues d’une cinquantaine de pays.
Au-delà de la maison dans laquelle j’ai grandi qui regorge de naïfs haïtiens de plusieurs générations, ma formation de regard doit beaucoup à mes passages répétés au Musée d’Orsay devant les salles et expositions consacrées au Douanier Rousseau – ce « peintre du dimanche » devenu repère de modernité avec une innocence revendiquée. Revoir, à Vicq, d’autres voies naïves à l’aune de mes références fut une vraie joie.
Enfin, je ne peux évoquer Haïti sans rappeler deux pages de Jean Métellus. Dans « La Bible et les peintres naïfs haïtiens », il souligne la familiarité des artistes avec le sacré – quête d’ « intimité avec le Créateur », offrande aux loas – et la liberté d’invention de P. Obin, W. Bigaud, A. Grégoire, Préfète Duffaut, où « Bon Dieu bon », comme dit le proverbe haïtien, irrigue la couleur et le récit. Ce sacré je l’ai retrouvé en particulier dans la peinture naïve portugaise.
Dans « 1804 et la créativité haïtienne », il redit comment l’élan de liberté né de l’indépendance nourrit un « jaillissement créateur » qui traverse nos arts, des lettrés aux peintres dits naïfs. Cette soirée du MIDAN m’a semblé en offrir un écho discret : créativité, art, terroir, mémoire, et beaucoup le désir de transmettre.
Réouvert en 2023 après de longs travaux, le musée de Vicq confirme, avec ce rendez-vous, son rôle de passeur entre cultures et générations.
Sources & crédits
La Bible et les peintres naïfs haïtiens – Jean Métellus
1804 et la créativité haïtienne – Jean Métellus
Remerciements : MIDAN – Musée international d’art naïf d’Île-de-France (Vicq)
Crédits visuels : Coll. Métellus / AAJM
Olivier Métellus, président de l’AAJM
Nous soutenir
Soutenir la mémoire de Jean Métellus et le travail de l’AAJM :
[Adhérer] – [Nous écrire ou découvrir nos actions]





